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 Nouvelles & Autres Histoires...

 

BALADE D’HIVER

 

 

Je voulais simplement me promener avec elle dans les rues de la ville et sur la plage en lui tenant sa main et caressant ses doigts délicatement. En me disant : “J’ai de la chance car je l’aime !”. En me disant : “J’ai de la chance car elle m’aime !”.

 

C’était l’hiver et le vent froid de février courrait entre les façades des maisons, frappant nos joues de bises glacées. Il bondissait d'un mur à l'autre tel un chien fou, puis arrivant dans notre dos, et nous traversant pour continuer plus loin vers l'océan. Elle se blottissait tout contre moi pour se tenir au chaud et moi j'ouvrais mes bras pour la protéger des rafales hivernales. Sa tête appuyée sur mon épaule. Je sentais alors son parfum fleuri que je n'ai pu oublier jusqu'à ce jour. Parfois, je le retrouve chez certaines femmes et il évoque alors un monde englouti, mon Atlantide.

Il avait plu ce jour-là sur Brest, t'en souviens-tu mon amour ? Les bruits de tes bottes résonnaient dans le silence du matin sur le pavé humide et glissant. Un instant, ton pied gauche a dérapé sur la pierre polie par le temps et les pas centenaires. Je t'ai rattrapé avant que tu ne chutes au sol. Et une fois encore je pouvais te prendre dans mes bras. Une fois de plus je sentais mon cœur vibrer et battre la chamade. Je pouvais une fois encore sentir ces papillons dans mon ventre qui toujours se sont manifestés lorsque j'étais près de toi. Et je n'évoque qu'avec retenue mon désir se manifestant en moi, visible pour tous ceux qui savent voir. Mon « allergie » pour toi ! C'était le temps des jours heureux. Les temps de l’insouciance crédule. Des serments éternels. De la joie des petites choses qui pouvaient agacer avec le temps, et qui là donnaient tout le charme d'un instant. Comme tes ronflements nocturnes. Je les regrette aujourd'hui. Ou ton bras qui m'écrasait le nez pendant notre sommeil. Ce simple contact de ta peau sur moi était un doux supplice de sensations et d’émotions. C'était le temps de nos nuits et journées érotiques, et des communions de nos corps. Des plaisirs physiques sensuels et intenses. C'était le temps de nos échappées en voiture sur la côte, vers le sud. Le temps du soleil dans tes cheveux au vent de ta décapotable.

 

C'était le temps des éclats de rires et de mes yeux qui brillaient en te regardant dans ta robe noire, ou dans celle que je t'avais acheté pour ton anniversaire dans ce magasin vintage. Celle que tu portais le dernier soir. Sa couleur verte se fondait dans tes beaux cheveux blonds. Et son décolleté mettait en valeur ta poitrine meurtrie que j'ai toujours aimée.

 

C'était le temps des promenades dans la ville où j'ai choisi de ne pas te suivre pour vivre un rêve fou et inutile. Un rêve qu'il me fallait réaliser pour accepter la vacuité de mes espoirs. Et surtout me permettre de renoncer à vivre autour des autres pour vivre autour de moi. Te suivre à ce moment-là aurait signifié vivre autour de toi et non avec toi. Et c'était impossible pour moi. Ce n’était pas cela avoir une vie de couple installé.

 

Enfin est venu le temps de vivre, et de partager cette joie avec toi. J'étais prêt et tu exprimais encore intensément un amour que je partageais.

 

Je suis venu pour te prendre la main pour t'amener sur des rives insensées où seul l'amour règne en maître. Où seul le bonheur veut s'exprimer enfin. Je suis venu recueillir les mots que tu m'as écrit et que tu m'as donné. Je suis venu vivre le réel et non plus la distance. Le matin même tu me disais encore ton amour, les yeux dans les yeux. Sais-tu que mon cœur a bondi dans ma poitrine et que l'intensité était si forte que mon corps tremblait un peu ? Un peu car je refrénais cette joie sans en comprendre le pourquoi. Car un doute était distillé dans mes veines depuis quelques temps tel un poison lent et mortel. Ce doute était la présence d'un autre dans ta vie. « Juste une rencontre platonique » disais-tu. J'y ai cru. Je t'ai cru. Comme j'ai cru en ton amour. Je t'ai fait confiance, comme j'avais confiance en nos sentiments. Tu ne pouvais pas me trahir. Pas toi. Pas comme les autres. Tu étais sincère avec moi, pas comme les autres.

 

J'ai pris le temps de mesurer la présence de l'autre dans ta vie avec ce que tu m'en disais. J'ai pris également le temps de mesurer les mots d'amour que tu me distribuais. Alors j'étais confiant.

 

J'allais à nouveau te tenir la main pour marcher dans la ville et sur la plage. J'allais à nouveau écrire une autre histoire avec toi et briser le cercle non vertueux dans lequel j'étais enfermé depuis trop longtemps. J'allais enfin partager le bonheur et tout ce que je porte en moi de beau et de subtile. Laisser au placard les peurs et les doutes, les erreurs et les mauvais choix, les choses qui troublaient ma vision du monde et mon esprit. J'allais ouvrir grandes mes ailes et m'élancer vers l'avenir. J'allais vivre dans un printemps éternel.

 

La réalité a parfois un goût très amer. Une dimension sombre, où des fantômes impriment des ombres sur des oreillers et des draps en y laissant des traces qui brûlent le cœur. La vérité des sentiments est parfois cruelle car lorsqu'ils se révèlent ils expriment des mensonges trop longtemps enfuis au fond du cœur de l'autre. Les actes et les mots d'amour se révèlent parfois être des artifices. Et ces trois éléments portent au grand jour une trahison des sentiments qui brûlent l’ego le moins sensible. Et le mien l'est trop. J'ai été chassé par l'autre avec ton consentement, comme s’il était chez lui. Il s’est imposé en maître dans ta maison qui est devenue la sienne. Posant ses chaussures sur la basse table du salon. Répandant sa fumée écœurante partout. Installant son outil de travail dans ton bureau d’où il avait été en principe exclu définitivement quelques semaines auparavant. Je me suis retrouvé dans un abyme d'incompréhensions et de chagrin. Le cœur brisé tel un verre cassé qui répand au sol ses milles débris. On tente de les ramasser pour ne pas les laisser là dans l’espoir fou et insensé de les recoller. Et l’on se coupe à coup sûr sur les arrêtes tranchantes de la douleur.

 

Je ne te tiendrai donc plus la main pour une promenade dans les rues et la plage de ta ville. La pluie se déverse sur moi, mais elle ne me lave pas les larmes qui coulent de mes yeux rougis. L'hiver a remplacé le printemps dans mon cœur. Il se glace d'effroi à cette pensée unique « pourquoi ? » Et il ne cherche pas de réponse car il ne vit que le mot « trahison ! ».

Je pars donc dans cette contrée obscure et glacée où le vent froid un nord pétrifie les cœurs et les âmes, même ceux des plus endurcis. Où la confiance en l'autre disparaît pour toujours du langage commun. Où le mot amour se vêt des habits du mensonge.

 

J'entame alors ma balade d'hiver.

 

Erick ESPEL

10 février 2018

HAN SOLO, JE M'ENVOLE !

 

 

Quand j'étais enfant, je rêvais de naviguer dans l'espace infini. Pour moi, il était parfois fini cet espace. Je l'imaginais inclus dans une sphère. Se posait alors le problème de : « Qu'y a-t-il autour de cette sphère ? L'espace infini ! Mais alors, comment l'embrasser du regard ?” »

 

Ma théorie de l 'espace fini s'effondrait comme un château de cartes. Pas mes rêves. En fait, depuis que j'ai vu le premier Star Wars, le 4 donc, j'avais 10 ans et mes rêves d'enfants se sont peuplés de vaisseaux spatiaux de toutes formes et de toutes tailles. Je me souviens aussi de ce livre illustré qui racontait l'histoire d'un hors-la-loi finissant misérablement sa vie sur un cailloux au milieu d'un anneau planétaire. Je rêvais d'êtres étranges, de mondes lointains et extraordinaires, d'éclairs de lasers au milieu d'une bataille entre deux galaxies. Merci Georges Lucas d'avoir tant animé mes nuits et mes jeux. C'est comme cela qu'est née ma passion pour l'espace et mon envie d'y aller en vrai.

 

J'ai donc fait des études afin d'avoir la possibilité d'aller voir les étoiles de plus près. Diplômé en astrophysique et en chimie, j'ai intégré l'E.S.A. après un parcours somme toute classique. Là, j'ai subi toutes les sélections les plus affûtées. J'étais le meilleur, le plus en forme et le plus léger. C'était nécessaire pour faire partie de cette opération expérimentale. Je faisais donc très attention à mon alimentation, tout en renforçant ma musculation afin de résister aux pressions engendrées par l'ascension. Ma femme doutait de moi et de ma capacité à passer avec succès tous les tests.

 

Elle doutait même du projet lui-même. De ce fait, nos relations se sont distendues. Un abyme d'incompréhensions nous a séparé​. Lentement et aussi sûrement que la Californie se détache du reste des États-Unis. Nous sommes devenus des étrangers l'un à l'autre. Un mur de silence et d'incompréhension nous séparait. L'absence d'enfant renforçant l'absence de liens qui devaient nous nouer. Un soir, en rentrant de la base, j'ai trouvé la maison vide d'elle, avec un simple mot : “Moi aussi je m'envole. Adieu !” Le lendemain, j'ai repris le chemin du centre spatial, plus léger encore que je ne l'étais déjà. J'étais sûr de ma réussite. Et si malgré tout il m'arrivait quelque chose, je n'avais plus vraiment d'attaches sur terre. Je pouvais partir.

 

Ce jour arrive enfin ! Le beau jour de juillet, le 21, c'est symbolique ! Et puis c'est important aussi ce mois car il fait beau, et pour l'ascension c'est bien. On pourra me voir à l’œil nu pendant un moment.

 

Ensuite, au mois de juillet il fait chaud, les courants ascendants sont plus nombreux. C'est donc primordial pour une bonne ascension vers l'espace. C'est pas moi qui le dit, c'est le Directeur du lancement. Un homme très important qui doit s'assurer que tout est bien en place, et que l'envol se passe bien. Autour de moi​, beaucoup de monde s'affaire. Des techniciens pour l'essentiel et quelques officiels. On m'habille tel un prince persan qui se lève au milieu de sa cour. J'enfile ma combinaison où je rentre tel un pied dans une chaussure trop étroite. Je ressens le tissu spécialement conçu contre mon corps. Puis les bottes qui collent à la combinaison. Viennent ensuite les gants et l'équipement respiratoire qui repose sur mon dos et sur ma poitrine.

 

Les gens qui m'entourent ont le sourire. Pourtant, je distingue dans certains regards une sourde angoisse. Moi je n'ai aucune peur. Vient le moment de la mise en place du casque. Enfin ! Mon rêve d'enfant prend corps et se réalise étape par étape. Avec délicatesse, le casque m'est mis sur la tête. Les deux mains qui le manipulent l'enclenchent et le fixent précautionneusement. Cela déclenche un bruit de pressurisation. L'air circule dans ma combinaison et sous mon casque. Test micro ! La parole de la technicienne passe filtrée par les haut-parleurs dans mes oreilles. Elle me pose une question et je lui réponds​. Ça fonctionne ! C'est primordial car je dois décrire mon ascension. Maintenant, il me faut aller jusqu'à la plateforme de lancement. Je grimpe dans un véhicule électrique sans toit, aidé par les techniciens qui m'entourent toujours.

 

Ils sont tous en combinaison orange avec des bandes blanches qui encerclent les bras et les jambes. Je les sens tendus. Ils travaillent sur le projet depuis des années. Le Directeur du lancement m'a dit que le projet a englouti des milliards d'euros. Une grande partie des fonds ont été investis dans la recherche du gaz qui va me propulser dans l'espace. Il fallait trouver un gaz très stable, constant et qui résiste aux variations de pressions. Tout comme l'enveloppe qui le contient. J'ai moi-même participé modestement aux recherches.

 

Le véhicule électrique vibre en silence sur le tarmac. Il faut faire les 164 mètres qui séparent le sas où je me suis équipé​ de la station de lancement. C’est long 164 mètres lorsque son rêve va enfin se réaliser.

 

Le véhicule s'arrête. Les techniciens qui ont suivi à pied m'aident cette fois-ci à descendre. Ils m'accompagnent jusqu'à l’ascenseur. J'y entre par la porte déjà ouverte. Elle se referme doucement. Un sentiment de fébrilité m'envahit, mais aussi de joie et de fierté. Un courant électrique parcourt subitement tout mon dos de haut en bas, pour venir finir sa course dans mes jambes. L'ascenseur s'arrête. Les portes coulissent lentement. Là, d'autres techniciens m'attendent. Ils portent leurs mains vers moi pour m'aider à marcher et m'amener au centre de la plate-forme. L'un d'eux me met une ficelle dans la main gauche et l'attache à un anneau situé sur mon gant, au niveau du poignet. A l'autre bout de la ficelle une forme flasque de couleur rouge et un tube qui y est fixé. J’entends dans mes écouteurs la voix du Directeur du lancement qui s'adresse aux techniciens et à moi : « Votre attention je vous prie ! Le temps est beau, le ciel dégagé. Nous allons donc débuter l'opération. A mon top... Top ! Début de la phase 1 ! » Un léger chuintement et la forme informe prend la forme et la taille d’un ballon de baudruche. Une poire inversée d'un rouge vif comme une pomme de mon enfance. La poire s'élève doucement devant moi à hauteur de mes h​anches, puis de mon torse et enfin elle soulève mon bras. Tout doucement, sans tension. Les techniciens s'écartent. Mon bras se tend vers le ciel. Je sens une légère tension à l'aisselle. Rien de violent et aucune douleur. J'entends à nouveau la voix du Directeur du lancement : « Attention ! Seconde phase de l'opération !” »

 

Ce sont tout d'abord les muscles et les os de mes jambes qui sentent la tension, légère et pourtant bien réelle. Puis mes talons quittent le sol en se soulevant. Je me retrouve sur la pointe des pieds comme lorsque enfant chez ma grand-mère je tentais d'atteindre la boîte de berlingots sur le buffet trop grand pour mes 7 ans. Enfin, je ne touche plus le sol. La sensation d'être hissé vers le haut. De sentir tout mon poids suspendu à cette ficelle. Je lève la tête et j'aperçois ce ballon rouge au-dessus de moi qui se détache dans le ciel si bleu. Mon regard se porte autour de moi. J'aperçois l'horizon. Plus bas la plate-forme s'éloigne d'abord imperceptiblement. Le tube se sépare du ballon. Les visages des techniciens se tournent vers le haut, vers moi. Je devine que les caméras aussi m'observent en silence.

 

Je prends de l'altitude. De plus en plus. Au loin, sous moi, le paysage rétrécit. Les détails disparaissent. Les collines s’aplatissent. Un vol de canards attire mon attention à ma droite. Je lève ma main par réflexe pour les saluer. Les volatiles m'ignorent superbement. Sans doute des canards peu sensibles aux prouesses techniques humaines. Je continue ma progression. De temps à autres, j'entends toujours la même voix annoncer à quelle hauteur je me trouve : « 250 mètres... 300 mètres... 500 mètres... Tout va bien pour vous ? »

Je réponds « Oui ! Tout va bien. Pression normale. Ciel dégagé. Je continue. Les canards s'en foutent totalement mais tant pis pour eux ! »

Lui : « Les canards... ? » Je l'entends qui s'adresse au gens autour de lui : « C'est un code ? Dites-moi que c'est un code ? » ... « Vous êtes sûr que tout va bien ? »

Moi : « Oui ! Très bien ! »

Je cesse de parler des canards, cela à l'air de l'inquiéter. Et puis ils sont partis, alors à quoi bon ? Les premiers nuages d'altitude apparaissent. Je les vois se former et s'assembler. Un coup d’œil au-dessus de moi. Le ciel y est sombre. Le ballon brille sous le soleil. Tout va bien. Je suis heureux. « 3000 mètres... 5000 mètres... » La courbure de la Terre m'apparaît dans toute sa sensualité féminine. Je continue à monter. La nuit sidérale prend de plus en plus de place, pendant que le sol s'éloigne de mon regard. J'aperçois la Lune qui grossit alors que la Terre se réduit. Me voilà dans l'espace noir et silencieux. Le spectacle est incroyable, comme dans mes rêves d'enfant, sombre et lumineux à la fois. La Terre est une grosse sphère bleue aux cotonnades blanches, et la Lune une boule en argent vérolée. Je suis tout à mon extase qui me fait écarquiller les yeux et ouvrir mes mains comme pour saisir le spectacle et le garder en moi. Je ne me rends pas compte tout de suite que je ralentis. C'est lorsque je lève ma visière vers le haut que je vois le ballon s'éloigner de moi avec la ficelle qui le suit. « Les cons ! Ils ont mal attaché cette foutu ficelle ! 15 ans d'études et pas capable d'attacher correctement une ficelle ! »

J'entends alors la voix du Directeur du lancement qui grésille dans mon casque « Il y a un problème ? »

Moi : « Plutôt oui ! Le ballon s'est détaché de moi ! Je fais comment maintenant ? »

Lui : « Heu ! »

Je sens bien qu'il hésite « C'est à dire que... comment vous dire ? »

Moi « Et bien simplement et rapidement ! »

Lui : « En fait, nous avions oublié de prévoir votre retour, donc... »

Moi : « Quoi ? Vous vous foutez de moi ? Mais c'est pas possible ! Que vais-je faire ? »

Lui « Eh bien, le plus vraisemblable un satellite pendant un temps. Nous allons envoyer une navette vous chercher. »

Moi : « Quand ? » avec un peu d'angoisse dans la voix.

Lui « Nous sommes sur l'affaire. Disons 2 jours, ou 4 tout au plus. » « En attendant, restez calme, nous vous suivons sur nos radars. »

Moi « C'est rassurant ! »

 

Et voilà ! Voilà à quoi cela mène d'aimer les films de Georges Lucas, et de vouloir réaliser ses rêves d'enfant.

 

Les cons ! Les cons ! Brassens avait raison, quand on est con, on est con !

 

 

 

Erick ESPEL

15 janvier 2017

BAISER DE METRO !

 


Elle était debout, face à lui, dans le métro dont les mouvements les faisaient se balancer d'avant en arrière par soubresauts. Ses yeux brillaient d'un feu intense et vif où se reflétaient ceux de Gabriel vers lequel elle tendait son menton, un sourire aux lèvres. Une lumière vive se dégageait de ses pupilles, une lumière qui aurait pu éclairer la lanterne d'un phare perdu en mer. Une pointe d'humidité donnait à ses yeux un aspect scintillant. Ce n'est pas de la tristesse, juste de l'émotion exprimée à aimer cet homme là, dressé devant elle. Gabriel et Elsa se sont connus au lycée et ne se sont plus quittés depuis. Très grand et fin, ses cheveux bouclés blonds lui descendent en cascade jusqu'aux épaules. Par de brefs mouvements de la main gauche, il remet de l'ordre dans cette tignasse sauvage. Elle, plus petite que lui d'une bonne tête, a les cheveux couleur corbeau, longs et fins lui descendant jusqu'à la taille. Leurs mains se touchent dans un sourire d'été. Elle tend un peu plus la tête vers lui les lèvres en avant, et lui rapproche les siennes pour un baiser léger mêlé de rires. Malgré le monde autour d'eux, qui ne les regarde pas d'ailleurs, ils sont seuls au monde, comme sont seuls les amoureux qui échangent un baiser.


Ce matin, Elsa était étendue sur le dos et Gabriel l'a réveillé par des baisers sur le coin de ses yeux, à sa manière, comme chaque matin. Un léger souffle qui s'échappe avant que les lèvres n'effleurent la peau de son aimée. Puis, le contact chaud et humide sur le coin des paupières. Enfin, une caresse dans les cheveux fins d'Elsa qui émet un léger soupir. Elle sort de ses rêves par la façon la plus douce et la plus sensuelle, les baisers et caresses de Gabriel. Elsa fait basculer son corps pour se mettre de côté, dos à lui. Elle ramasse ses deux mains sous sa tête. Il vient alors se lover contre elle en chien de fusil pour prolonger la nuit encore quelques instants. Puis il faudra se lever, prendre le métro. Ensuite, ils s'arrêteront et déboucheront sur la place des Danaïdes pour s'asseoir en terrasse. Attendre que la serveuse vienne leur porter son café pour lui et son thé pour elle, avant même de demander. Ils la regarderont amusés de voir qu'elle ne porte toujours pas de soutien-gorge, et observeront à nouveau la pointe de ses seins dressée. Ainsi, prolonger encore un peu cet instant d'être à deux, les yeux dans les yeux. Puis, se quitter sur un dernier baiser avant de commencer une journée de labeur.


Chaque moment passé à côté de la personne que vous aimait est un instant d'éternité que vous gagnez à deux. Un moment arraché au tourbillon de la vie qui nous entraîne parfois trop loin de nous, trop loin de l'autre. Sachez goûter toutes les perles de pluie de ces petits bonheurs qui forgent les souvenirs intenses et profonds dans votre cœur et votre âme.
Je vous souhaite de trouver votre Gabriel ou votre Elsa...

Erick ESPEL

09 avril 2018

UNE FEMME ATYPIQUE

 

 

Je n'ai pas remarqué tout de suite ce qui la caractérisait des autres femmes. Elle avait une chose indéfinissable qui a attiré toute mon attention. Il y avait, émanant d'elle, une particularité. Mais laquelle ?


Je suis dans le bus n°2 qui mène au métro « La Rose ». Je viens d'y monter et je m'installe, comme à mon habitude, contre la vitre de droite en entrant vers le fond près des places assises. Je suis donc debout à épouser les mouvements d'un bus roulant dans les rues aux nids de poules et aux gendarmes installés tous les 100 mètres. C'est vrai quoi ! Il y en a tellement de ces obstacles bitumés, que j'ai cette impression que le bus ne fait que rouler sur ces traverses censées ralentir la vitesse des véhicules. Et bien le bus, lui, ne ralentit pas ! Donc de soubresauts en soubresauts, nous avançons aux rythmes des arrêts, des descentes et des montées des usagers. Une étrange impression de rouler sur une route défoncée d'un pays pauvre ne pouvant réparer ses axes routiers, ou un chemin de brousse. Et je soupçonne aussi les chauffeurs de bus, dans leur quasi-totalité, de manifester une frustration à ne pas avoir réussi à devenir des conducteurs de rallyes auto. Lorsque l'on voit avec quel empressement ils abordent les virages à 90°, à quelle vitesse ils roulent sur des lignes droites, sans parler des coups de freins inopinés qui vous font vous balancer tout votre corps vers l'avant par l'effet d'une formidable force cinétique ! Vraiment ! Ces hommes et femmes là souffrent de toute évidence d'une frustration. Vous ne me croyez pas ? Alors, empruntez n'importe quel trajet de la RTM comportant quelques lignes droites et quelques virages, puis nous en reparlerons. Mais je m'éloigne du sujet.


J'observe donc les va-et-vient des passagers, et je suis stupéfié de constater le nombre peu élevé des personnes qui valident leur titre de transport. Il m'arrive plus d'une fois sur ce trajet de constater que je suis le seul à avoir validé mon ticket de la station de départ à celle d'arrivée. La RTM est donc un réseau de transport gratuit pour nombre de marseillais ! Enfin. Ce n'est pas mon problème après tout. Si cette organise ne fait rien contre la fraude, qui suis-je pour tenter de la contrer ? Donc, je regarde d'un air amusé ce manège.
Je m'adosse pour me caler, et j'observe mes congénères. J'aime à les examiner, à m’imprégner d'images et de sons, de sensations et de portraits divers. Cela me permet de nourrir mon imagination. Là, une femme voilée avec son enfant dans une poussette qui tente de se glisser entre les passagers qui l'ignorent superbement pour trouver une place stable. C'est nécessaire avec ces fous du volant. Ici, un groupe d'adolescents allant au collège et parlant bruyamment écouteurs dans les oreilles, comme s'ils avaient besoin d'un sonotone à leurs oreilles pour discuter. Là-bas, une veille femme obligée de faire le trajet debout car un jeune homme, capuche rabattue tombant sur ses yeux, fait semblant de ne pas la voir en secouant sa tête au rythme d'une musique qu'il nous fait partager. A quoi sert donc cette formidable invention que l'on appelle : écouteurs ? Avoir un téléphone ultra moderne, à partir duquel l'on peut écouter de la musique, et mettre le volume à fond comme à la fin des années 70 lorsque des jeunes se baladaient avec de gros transistors sur les épaules en pleine rue. Je laisse les sociologues expliquer cela. Donc, beaucoup de personnages, mais pas de portrait atypique.


Un autre arrêt, violant et secouant. Une jeune femme d'une trentaine d'années monte. Elle s'assoie à moins de deux mètres de moi. Et là ! Un portrait atypique ! Mais quoi ? Quelle particularité ? Je scrute. Je cherche. Elle est brune aux cheveux bouclés qui lui tombent sur les épaules. Fine, elle porte une robe très colorée, une Desigual dans les teintes rouge et blanche. Elle se rend compte que je la regarde. En vérité je l'analyse comme un archéologue peut chercher à découvrir les secrets des hiéroglyphes d'un sarcophage égyptien. Sans la loupe et le pinceau tout de même ! Je détourne rapidement mon regard qui semble la gêner. Dans ma tête je cherche ce qui la caractérise. Je refais dans ma mémoire le chemin visuel de ce que je viens de faire. Passage au ralenti dans ma tête comme dans un film... Soudainement ! Je trouve ! Son menton ! Je regarde furtivement. Puis je détourne à nouveau rapidement mon regard. C'est bien ça ! Son menton ! Son menton est fendu en deux par une sorte de fossette canyon séparant parfaitement le côté gauche du côté droit, jusqu'à un doigt au-dessous de sa lèvre inférieure. Et ce menton prend alors sous mes yeux la forme d’une paire de fesses bien formées. Ce menton donne l'envie d'être caressé délicatement. Du bout de doigts. En douceur. De le pincer entre le pouce et l'index. De l'embrasser du bout des lèvres. Je découvre que ce qui la distingue des autres la rend en fait belle et désirable.
J'ai toujours trouvé qu'il y a chez les gens que je croise des particularités, des spécificités qui les rendent beaux. Certes, pas tous ! Dans le cas présent oui, elle est belle. Pas jolie. Non ! Ce n'est pas une gravure de mode qui sacrifie aux canons de la beauté changeante comme les saisons. Elle est belle et cela suffit pour la définir. J'en suis tout à mes réflexions et je ne vois pas tout de suite qu'elle descend du bus avant moi. J'en reste donc là, sans l'avoir abordé, et la suivant du regard jusqu'à ce que sa silhouette disparaisse au détour d'une rue.
Son image se fige dans ma mémoire, et je reste sur un sentiment de regret de ne pas l'avoir abordé afin de lui parler. Tant pis ! Je range cette rencontre aux rayons des occasions manquées. Il faudrait que j'y fasse du ménage, il y règne là un certain désordre et un manque de place évident.


Quelques jours après, je me promène sur les hauteurs qui dominent le village perché d'Allauch qui domine Marseille (cette précision est destinée aux néophytes). Je grimpe vers la chapelle Notre Dame du Château en empruntant les ruelles étroites du village, puis le chemin empierré entre les cactus qui portent des figues de barbarie commençant à peine à mûrir. Je monte m'y aérer l'esprit et admirer la vue que l'on a sur Marseille. Il y a un léger mistral qui me permet de bien supporter le soleil de fin de printemps qui inonde le ciel bleu azur. Je grimpe donc tranquillement, regardant les pins maritimes, les maisons en contre-bas et la flore environnante. Un instant de quiétude après une journée intense de travail. Je passe la porte fortifiée de la vieille citadelle qui est le seul vestige d'une puissance passée. Je gravis la pente pour arriver sur l'esplanade de la chapelle. Je passe sur le côté pour la contourner et arriver un peu plus haut derrière l'édifice. Je m'installe sur un terre-plein face aux collines verdoyantes de pins, dos au monument. Je suis assis, dans la contemplation de ce paysage qui raconte mon enfance heureuse. Les roches blanches qui reflètent les rayons du soleil, les arbustes de la garrigue d'où émerge toute une flopée d'insectes, la terre ocre et les pierres apparentes, les odeurs qui montent à mes narines et se mélangent. Le bruit du mistral dans les branches des pins qui fait danser les aiguilles vertes dans un ballet aérien et un léger crissement.
Un homme passe dans mon dos. Je l'aperçois qu'au dernier moment. Il porte un sac de toile aux couleurs vives et aux motifs ethniques. Il est de taille moyenne, brun, et semble avancer légèrement sur ce terrain un peu chaotique. Comme s'il survolait ce sol. Il descend en contre-bas, toujours à ma vue, sur un petit plateau de pierre en forme de terrasse. Et il sort de son sac au sol une corne au long embout qu'il caresse avant de le mettre à sa bouche. Il souffle dedans et un son long, sourd et roulant s'en extirpe. Un son qui me fait penser aux chamans du Tibet. Je viens de voir un reportage à la télévision sur ce groupe ethnique. Je le laisse à sa méditation musicale pour entamer la mienne plus silencieuse en allant m'asseoir sur le muret de l'esplanade de la chapelle. De là, je domine donc toute la ville de Marseille et au loin la mer, l'archipel des îles du Frioul et les collines qui encadrent la ville comme un écrin vert, blanc et bleu.
Sous mon regard s'étale cette cité bruyante, grouillante et qui souvent me fatigue par son alternance de contrastes urbains et humains. Je distingue parfaitement cet enchevêtrement de quartiers qui cohabitent et s'ignorent parfois. La calanque du Vieux-Port se dégage, séparant le cœur historique du Panier des autres quartiers. La Canebière forme une coulée qui aboutit à la mer. A gauche Notre-Dame-de-la-Garde domine la ville et fait face à la Dame du château qui se trouve dans mon dos. En face de la ville, cet archipel que forment l'île d'If, et sa célèbre prison, et l'île du Frioul. Je réalise alors que j'ai débarqué dans le temps sur la première et jamais sur la seconde. Il faut que j'y remédie. Dès cet été, j'irai sur le Frioul explorer l'île et m'y baigner si la température de l'eau me le permet. J'en suis tout à mes rêveries, tranquille et posé. La brume et les entrées maritimes emportent mon imagination au-delà de cet horizon bleu où la mer et le ciel se rejoignent.


Ce sont les jappements d'un chien qui monte le chemin qui me sortent de ma léthargie. Il court après un bout de bois lancé bien devant lui. Elle apparaît alors derrière les branches des pins maritimes. Un débardeur blanc lui colle à la peau et épouse ses formes. Ses cheveux brun bouclés dansent au rythme de son ascension. Elle porte des lunettes noires et un pantalon kaki qui lui serre la taille. Son pas est rapide et vif. Un charme naturel se dégage de toute sa personne. Elle passe en bas devant moi et offre un spectacle léger et gracieux. Pourtant ! Quelque chose dénote. Une sorte d'imperfection naturelle, peu perceptible et pourtant si présente. Je vois... ! Je vois son pied droit qui, contrairement à son jumeau de gauche, ne se pose pas totalement au sol. Seulement un petit centimètre d'une jambe plus courte que l'autre. Et cette imperfection ajoute à son charme et son élégance naturel. Elle arrive sur l'esplanade avec son chien. Et là ! Oh surprise ! Je fixe son menton si caractéristique. La jeune femme du bus. C'est elle ! Je lui souris. Elle, lumineusement répond à mon sourire. Je lui dis bonjour. Elle répond à mon bonjour avec une voix qui envoûte. J'entame une conversation banale à propos de son chien. Elle y répond gentiment. Puis à propos du paysage. Elle m'explique qu'elle vient tous les jours avec Chaussette son chien. Un nom en hommage à un film que j'ai, moi aussi, bien dû voir dix fois au moins. La discussion continue sur moi, sur elle. Je lui explique que je l'ai vu dans le bus n°2 il y a quelques jours. Que mon regard semblait alors la gêner. Alors que j'étais en admiration du charme qui émane d'elle. Je m'excuse de ma maladresse d'alors. Elle soulève ses lunettes noires et rit. Le soleil entame sa chute. Nous redescendons tout en discutant encore. Je lui demande si elle accepte de continuer la discussion le lendemain autour d'un verre dans un bar en ville où j'aime aller écouter de la musique. Elle acquiesce. Je lui donne mon numéro de portable, en lui précisant qu'elle peut m'appeler si elle le souhaite, sans contrainte. Elle dit oui, qu'elle le fera. « A demain donc ! » « Oui ! »


Cela fait maintenant 2 mois que je l'ai croisé pour la première fois dans le bus n°2 un matin. Et je n'attends plus son appel aujourd'hui. Elle n'est pas venue au rendez-vous. La rencontre était légère et agréable. Juste une rencontre, un échange entre deux êtres, et tous les deux nous retournons à l'oubli l'un de l'autre. Ou presque. Car ma mémoire est intacte et précise sur cette rencontre d'une femme atypique, au charme et à la beauté certaine. Cela reste un beau souvenir. Elle est un beau souvenir.


Erick ESPEL

14 mai 2017

UN MATIN CALME

 

 

Comme tous les matins depuis des mois je me réveille vers 6h30. C'est le mois d'août, et cette heure est un moment agréable pour profiter pleinement du réveil du monde.

Le soleil commence à peine à lancer ses rayons à l'assaut des arbres et des toits des maisons alentours. Sa pâle clarté éclaire la chambre d'une douce pénombre à travers le rideau métallique entre-ouvert. J'entends un oiseau chanter tout à côté, un rossignol. J'écoute son air mélodieux pour tenter de me rendormir. En vain.
Tout à côté de moi, je l'entends. Elle dort. Son souffle profond et ample me fait comprendre qu'elle est là pour encore deux bonnes heures, allongée dans cette nuit qui se termine.
Je décide donc de me lever sans la réveiller. Sa jambe gauche couvre ma jambe gauche et son bras gauche est posé sur ma poitrine. Ses cheveux longs et noir cachent son visage. Je cherche le moyen de me dégager de cette tendre étreinte sans qu'elle ne sorte du sommeil. Je tente de glisser hors du lit comme une anguille, tout en douceur. Elle a dû sentir mon mouvement. Elle émet un léger gémissement et se roule vers son côté, me dégageant d'elle. J'aperçois la pointe de l'un de ses seins qui sort de sa nuisette. Je reste figé. A l'écoute. Elle dort. Je suis rassuré. Le chat, qui a passé sa nuit à mes pieds, lève une oreille, puis la seconde. Un œil vert en forme d'amande s'ouvre. Et un museau se lève. Je sors du lit pendant que le chat s'étire afin de chasser de son corps le sommeil de la nuit et de réveiller tous ses muscles. Il me regarde alors que je suis débout à côté du lit et miaule doucement, la gueule encore empattée. A voix basse : « Miaule en silence Lilou ! »
Je sors de la chambre en survolant le sol pour ne pas faire de bruit. Mais le chat, qui comme tout le monde le sait est seul maître chez lui, saute bruyamment du lit. Je ferme la porte, il me suit dans la cuisine. Il a faim. Il me regarde et miaule comme si sa vie entière dépendait de moi et de sa pâtée qu'il attend telle une offrande. Je vais vers le placard pour en extraire un paquet de ce met dont il raffole. J'ouvre le paquet et je lui en donne la moitié. Le reste, je le mets dans le frigo. Le chat mange tranquillement et lentement son petit déjeuner gluant qu'il demandait avec force et insistance. Maintenant il prend son temps. Je n'y prête pas plus d'attention, j'ai l'habitude de ce manège dont ni lui ni moi ne sommes dupes.
Je vais vers la machine à café. Je l'allume. Je sors un mug du placard et une pastille de café sous enveloppe de cellulose. Je mets le mécanisme en place et je lance la machine. Le jus marron et crémeux sort des deux petits tuyaux de métal et s'écoule dans le blanc immaculé de la grande tasse. Un voile de vapeur blanche s'échappe du mug et survole au-dessus comme suspendu. Le chuintement de la machine devient plus fort à mesure que le café termine de s'écouler. Je me dis que j'ai bien fait de fermer la porte du salon afin que ce sifflement ne la réveille pas. Même si je sais que ce bruit ne peut l'atteindre là où elle est.
Je prends mon café chaud en main, et j'ouvre au chat la porte fenêtre de la cuisine pour qu'il sorte. Je laisse un léger espace pour qu'il puisse revenir seul sans qu'il me demande l'entrée. Puis je vais vers la terrasse à l'opposé.

J'ouvre la baie vitrée. Le soleil jaune commence à s'élever dans le ciel bleu de l'été. Les cigales vont bientôt se faire entendre et saluer l'astre qui va réchauffer leur dos. Sur la terrasse, je m’assieds à la table en osier face au Rocher rouge habituellement. Le soleil fait danser les ombres sur sa face escarpée. Le gris bleuté de la nuit laisse la place peu à peu à des couleurs pourpre, puis rouge carmin et enfin à ce rouge qui caractérise tant ce rocher. C'est comme un rideau qui se lève lentement sur un décor en mouvement. Enfin, des tâches vertes se dégagent un peu çà et là laissant apparaître une végétation rare et riche.
Je suis plongé dans mes rêveries. J'écoute les oiseaux qui piaillent dans l'air comme s'ils se disaient bonjour. Le chien du voisin aboie. Il vient de lever un lièvre ou un chat. Le vent, très légèrement, soulève les feuilles dans un chant qui berce. Le monde se met en marche peu à peu. Les voitures de celles et ceux qui vont travailler ronronnent. Un calme apparent se dégage de ce tableau. Je bois lentement mon café chaud et je le finis tranquillement en me gorgeant les yeux et les oreilles de ce spectacle. Au bout d'un moment, je retourne dans la cuisine m'en faire couler un autre. Cette odeur me fait du bien dans ma tête et dans mon corps. Et je retourne m'installer en terrasse pour compléter ma vision de ce matin calme. Je reste en contemplation.
Elle arrive silencieuse derrière moi. Je sens sa main qui se pose sur ma tête et ses doigts dans mes cheveux. Elle se penche et me donne un baiser sur ma nuque en disant « Bonjour. Tu me fais un café s'il-te-plaît ? » Je tourne vers elle mon visage et je lui souris. Elle répond à mon sourire, encore enfoncée dans son sommeil. Elle s'assied à côté de moi. « C'est beau ! Tu ne trouves pas ? » me dit-elle. Pour toute réponse, je lui dépose un baiser sur ses lèvres et je pars lui faire couler un café. Je le lui porte. Elle me remercie d'un sourire avec cette petite ride sur le côté gauche qui lui est si familière. Je dépose son mug sur la table car elle n'aime pas boire son café trop chaud, juste tiède. Elle ramasse ses jambes sur elle, met ses mains entre ses cuisses et penche sa tête vers mon épaule dans un gémissement doux. Je passe ma main dans ses cheveux et je la caresse tendrement. Je sens alors sa tête donner un petit à-coup comme lorsque le chat veut qu'on le caresse encore un peu plus. Nous restons là, silencieux, à observer ce paysage qui est réveillé. Dans un même regard, en silence, sur un même rythme de nos cœurs harmonieux.
Le bonheur est parfois si simple à saisir... Bon réveil à vous !

 

 

Erick ESPEL

23 août 2020

UN DIEU QUI PLEURE

 

 

Je suis assis sur mon rocher depuis si longtemps déjà à vous observer de loin maintenant. Et après des siècles à vous voir vous agiter en tous sens, à vous aimer et à vous haïr mutuellement, à vivre et à mourir, à vous laisser aller à vos pires instincts ou vous voir créer des œuvres dignes des immortels, à vous voir lutter sans cesse pour continuer à vous répandre sur la surface de cette terre, j'ai encore à apprendre sur vous.

 

Pourtant, je vous ai créé et donc, je devrais tout savoir de vous !

Il est vrai que je n'ai pas fait votre existence seul. J'ai voulu et encourager cette surprenante création de Prométhéos. J'assume donc ce que vous êtes, mes enfants terribles. Un peu à notre image, nous qui sommes au-delà de votre regard. Malgré tout un peu unique car tellement différent de nous aussi. Votre condition de mortels n'est que notre volonté de ne pas prendre de risque. Le risque que vous vouliez nous remplacer un jour. Ou nous pourchasser pour nous détruire.

 

Les enfants rentrent souvent en révolte contre leurs parents. Il en est ainsi de nous tous. C'est une histoire vieille comme le monde, comme la vie. Je suis moi-même le fruit d'une révolte contre mon père, le divin Kronos. Je l'ai tué il y a longtemps maintenant. J'ai tué mon père avec l'aide de mes frères et de mes sœurs. Avec l'aide d'alliés contre ceux de mon père. J'ai terrassé les Titans, et j'en ai réduit certains en un éternel esclavage, tel Atlas qui supporte maintenant la voûte céleste, et ce, jusqu’à la fin des temps. Je n'ai eu aucune pitié pour eux afin d'éviter toute rébellion. Il faut savoir parfois être sévère dans les luttes. Je sais donc ce que c’est qu'être un parricide. Je connais bien cette potentielle rébellion contre l’ordre établi. Et je ne veux pas ! Je ne veux plus de révoltes ! Je ne veux plus jamais voir le sang des miens répandu, ou souillant les mains d'un géant. Jamais plus cette honte qui ronge en fin de compte au fil des siècles mon esprit de parricide. Jamais plus cette douleur qui développe chez moi une paranoïa envers mes propres enfants. Athénaé m’est devenue suspecte.

 

Depuis ce temps, malgré le nombre de ma famille, malgré la foule des êtres qui plient l'échine devant moi, sous mon regard. Malgré les adorateurs nombreux, je suis seul sur mon rocher accroché à cette montagne que vous avez faite sacrée pour vous, et qui n’est que notre demeure divine. Et un peu notre prison dorée.

 

Être un dieu, et surtout être le roi des dieux, c'est occuper un trône tellement solitaire. J'ai le pouvoir. Le pouvoir immense de faire ou défaire des vies, des paysages, et le temps. Ce pouvoir, les autres en ont peur. Et pourtant, je n'ai pas le pouvoir de décider d'asservir. Ce sont les dieux qui se livrent librement encore à moi. C'est vous qui vous livrez pieds et poings liés en toute volonté à moi. Vous seuls créez vos chaînes. Pourtant, j'ai émaillé vos histoires et vos mythes de mises en garde pour que vous vous libériez de vous-mêmes.

 

Que vous cessiez de donner ce pouvoir à d'autres. Que vous refusiez de donner vie et corps à vos bourreaux. Moi, Zeus Olympien, Zeus Upatos, celui qui souffle la Tempête et déchaîne la Foudre, Maître du Temps et des Nuées, Maître de la Destinée et des dieux, le Pouvoir incarné, je suis incapable malgré mon incommensurable sagesse de vous faire comprendre et entendre cette idée simple : libérez-vous de vous-mêmes.

 

Tel un père, je pense parfois avoir raté mon rôle vis-à-vis de vous, mes enfants. Peut-être aurait-il mieux valu que je vous laisse à un autre ? Quel rôle ingrat. Nourrir la colère de sa progéniture lorsque les choses vont mal ou pas comme vous le voulez, et devoir me montrer à la fois juste et impitoyable. J'aurai dû le savoir avec ce que j'ai moi-même fait subir à mon père. J'ai mené cette révolte avec mes frères et sœurs, des dieux inférieurs et des humains. Nous avons combattu côte à côte dans une terrible guerre, comme il n'y en eut jamais, et comme il n'y en aura plus jamais.

L'Atlantide fut rayée de la surface du monde car elle avait choisi le mauvais camp. Les Titans détruits et asservis. Et, je suis monté sur ce trône de pierre et d'éther pour séparer et réunir les dieux et les humains. Depuis ce jour où nous fûmes des nuées, je me retrouve donc seul au milieu des miens et de vous. Et cette solitude mine mon caractère, ainsi que mes relations avec les autres immortels. Ils sont querelleurs, batailleurs, irascibles et brailleurs. Oh combien vous leur ressemblez ! Combien vous nous ressemblez !

 

Je tourne mon regard vers vos champs et vos villes. Vers vos existences fragiles et vers vos pensées les plus intimes. Je vous devine sans réellement vous comprendre. Ce monde était un cadeau débarrassé des géants qui remuaient le feu de la terre pour en faire sortir un air empoisonné. Il était devenu un havre de paix et de prospérité. Et vous remplacez actuellement ces mêmes géants qui ne sont plus. Vous détruisez, saccagez et stérilisez cette terre, qui, je vous le rappelle, est ma mère Gaïa. Celle qui a porté tous les dieux et les humains.

 

Faudra-t-il donc que je détruise la création de Prométhéos comme me l'a suggéré mon frère Hadès, le Maître des Ombres Brumeuses et des Enfers ? Il a tout de suite douté de vous. Pourtant, Apollon l’Archer Solaire, mon fils m'a montré vos créations, leurs beautés et leur profondeur d'âme. Cette âme qui pourtant est noire comme un ciel sans étoiles, bien au-delà de votre compréhension. Car, au final, tels des enfants capricieux, vous détruisez les jouets que je vous ai donné. Je vous le dis à nouveau, vous êtes prisonniers de vous-mêmes.

Il me reste peu d'alternative. Vous laissez finir votre œuvre de destruction sans que j'intervienne, ou accélérer moi-même cette destruction.

 

Je suis assis sur ce trône, l'air pensif, à me décider sur telle ou telle suite à donner. Car, enfin, je doute maintenant que vous n'arriviez à vous rectifier. Décidément, en tuant Khronos, je ne me suis pas rendu service.

 

Une question me taraude : votre fin sera-t-elle également la nôtre ? Des larmes chaudes coulent le long de mon visage d'airain et trempent ma barbe d'or.

 

 

 

Erick ESPEL

15 octobre 2018

LA CORNICHE (planète Marseille)

 

 

Se balader sur la Corniche à Marseille, c’est assister à un spectacle permanent. Il y a tout d’abord ce littoral qui domine une mer en contrebas et les îles que l’on aperçoit au loin. C’est le paysage que l’on emporte en général lorsque l’on visite la ville et que l’on ne s’arrête pas vraiment.

Cependant, la Corniche, c’est bien autre chose qu’un simple point de vue. C’est aussi un lieu de vie, de rencontre et de partage. Les marseillais le savent, d’autant plus que depuis quelques temps, ce bras de route qui longe la mer est ouvert aux piétons, cyclistes, rollers, et autres. Mais, plus de moteur un dimanche par mois.

 

Je vous embarque donc dans quelques moments vécus sur ce serpent de terre où l’on trouve, foi de marseillais, le plus long banc du monde décoré en grande partie de mosaïques créées par des associations le plus souvent. L’on y trouve également de belles et élégantes demeures, souvent d’époque fin XIXè siècle, ainsi qu’un parc dominant la Corniche et d’autres lieux à découvrir.

 

Je me souviens de cette femme d’environ 65 ans qui semblait si menue. Elle avait le dos courbé par un poids invisible. C’était, au premier coup d'œil, sans doute celui du chagrin. A ses côtés, un homme bien plus jeune qu'elle. Son fils de toute évidence. Ils étaient tous les deux descendus sur les rochers en contre-bas du tablier de la Corniche. Face à la mer, elle semblait lui parler doucement. J’étais trop loin pour entendre ce qu’elle lui disait. Ils avaient en main des brassées d'œillets. Je me suis rapproché d’eux, et je les ai vu jeter les fleurs à la mer. Elle, les larmes aux yeux, lui, l’air grave et refermé sur lui-même. Elle devait lui parler de son mari, de son père. Elle racontait les moments heureux ensemble dans leur maison. Les parties de pêche sur son bateau et sur cette mer qu’il aimait tant. Cette mer où ils ont dispersé ses cendres afin qu’il repose à jamais dans cette eau bleue. Sur la surface, les fleurs jetées étaient ballottées par le va-et-vient des vagues. Certaines venaient se fracasser contre les rochers plus banc au milieu d’une écume blanche. Les autres fleurs, plus nombreuses, prenaient le large en une myriade de points colorés et de tiges vertes.

 

Il y avait cet homme qui courait avec son chien devant lui. Une laisse les reliés lui à sa taille et l’animal au cou. Le cabot avec la langue pendante et le trot léger, tant dis que son maître, tee-shirt blanc maculé de sueur dans le dos allait d’un pas plus lourd. L’homme portait une casquette blanche qui ne l’avait pas protégé des effets du soleil sur sa nuque rougie. Ils sont passés, à côté de moi, comme un souffle de vent. Dans une effluve de sueur et de souffles.

J'ai croisé d'autres joggeurs, qui, dans leurs efforts individuels se retrouvaient dans un même élan, les visages plus ou moins rouges et humides. Parfois en grappe, évoluant dans le même sens où se croisant, le plus souvent en solitaire, le regard vers un horizon qui les attend.

 

Le long de la corniche se trouve ce qui est qualifié de plus long banc du monde. Si vous l'ignorez, il est recouvert de mosaïques diverses, avec des thématiques tout aussi multiples. Face à la mer, il est un espace de détente remarquable avec un point de vue sur l'archipel du Frioul à droite, à gauche les collines de Marseilleveyre et devant le large propice à des rêveries où peut naviguer l'imaginaire. Marius comprendrait cela.

Ce banc permet à de nombreuses personnes de venir là et de ressentir sur les visages un mélange d'embruns iodés et de caresses du soleil. Les gens du tous âges s'y prélassent dans une douce torpeur méditerranéenne. Pour certains, il me manque qu'une tasse de boisson chaude en hiver, ou un verre bien frais en été, pour être proche du bonheur.

Les couples aussi y viennent pour se serrer les uns contre les autres. Dans de douces étreintes et de tendres baisers. Plus loin, vers ce monument en forme de pale d'hélice de bateau, ce sont les plus jeunes qui se regroupent. Laissant leurs petites voitures sans permis, mais hors de prix, sur le parking pour y côtoyer des scooters rutilants, ou ces petites voitures sans permis très en vogue auprès d’une jeunesse dont les parents peuvent se permettre cette dépense. Ici, l'alcool, les cigarettes, les paquets de chips, et toute le junk-food s'étalent. Et les déchets s’accumulent dans les poubelles qui débordent largement sur les côtés, les marches d’escaliers et autres.

 

La marche entre la plage des Catalans et “David” permet de découvrir les diverses couleurs de la mer qui se reflète en miroir les rayons du soleil. Parfois la mer est calme. Et, lorsque le mistral se lève, ou le vent du sud, alors les vagues viennent se fracasser en gerbes d’écumes sur les rochers qui servent de support à la Corniche. Alors, l'on a les joues battues par le vent qui peut vous fouetter le sang en hiver, et faire frissonner vos os.

 

Un peu avant la plage “du Prophète”, se trouve une sorte de promontoire qui a les pieds dans l’eau. Là, des bancs toute l’année. Face à la mer, l’on prend également là le vent, la mer et le soleil. Avec un livre en main, un sandwich ou un thermos de thé, le temps s’écoule lentement. En été, il y a eu un bar éphémère qui s’y est installé. Plutôt chic, très à la mode il y a peu, il offrait un moment de musique, de détente et de délassement tout en regardant le soleil se coucher vers Carry-le-Rouet et la côte bleuie par le crépuscule. Et, si l’on a de la chance, l’on peut apercevoir au large, pas seulement les ferries qui partent vers la Corse et les porte-conteneurs, mais également des dauphins qui parfois chassent dans ses eaux.

 

Le long de la Corniche, vous pourrez vous baigner car il y a des plages de sable, comme “aux Catalans” et “au Prophète” ou de galets comme à Malemousque. Des criques également pour les pêcheurs comme au “Vallon des Auffes” pour y déguster une vraie bouillabaisse, ou à l’anse des Faux Monnayeurs”. Il faut oser marcher un peu, pour y découvrir de petits lieux à l’abri des regards et de la fureur de la ville. Vous oublierez alors que vous êtes en plein centre de Marseille.

 

Lorsque la nuit survient, les lumières de la ville se réfléchissent sur l'eau noire en une myriade d'étoiles. C'est comme si le ciel de nuit et la mer ne faisaient qu'un, dans un mariage pour quelques heures.

Si vous pouvez alors vous trouver sur un bateau, une barque marseillaise ou sur la navette qui relie de mai à octobre le Vieux-Port à la Pointe Rouge, vous aurez un autre point de vue de cette corniche.

 

Voilà un petit aperçu de cette partie de la ville de Marseille. Une partie qui s’étale d’un côté jusqu’à la Pointe Rouge, les Goudes et Callelongue, et de l’autre côté vers l’Estaque et ses fameux chichis. De part et d’autres, les calanques vous attendent, d’autres espaces sauvages, de nature et de mer qui s’étendent tout au long de la côté.

 

Bonne balade à vous.

 

Erick ESPEL

24 avril 2024

EN MONTANT LES ESCALIERS
 

 

Il est des histoires que l’on raconte, et d’autres que l’on tait par pudeur la plupart du temps. Même si, soyons sérieux, ce n’est pas le seul motif pour lequel on tait les choses. Il en est de même pour les relations amoureuses, tout ne se dit pas à l'extérieur. On garde pour soi une part de notre jardin secret, de notre intimité. Et, les ébats amoureux en font partie bien naturellement. Pourtant, il arrive des moments où l’on a envie de dire, de raconter et parfois de se souvenir de choses que le puritanisme ambiant réfute.

 

Il paraît que les femmes entre elles sont bien moins pudiques que nous les hommes. Je dois avouer qu’en effet, je n’ai jamais eu l’habitude de décrire mes ébats avec les femmes que j’ai connu dans ma vie. Et pour tout vous dire, une fois que l’histoire est finie, j’oublie tous Les moments et les détails qui vont avec. C’est ainsi. Je ne pourrai pas vous dire pourquoi et comment, c’est ainsi. De fait, je suis incapable de vous décrire ce que j’ai vécu.

 

Par contre, me baser sur le récit d’un autre, je peux. Et, il se trouve, que récemment un ami m’a fait des confidences. Alors, en taisant son nom et les lieux, je vais tenter de vous raconter tout cela.

 

Alors, éloignez les enfants, les puritains et les yeux trop chastes, et entrons dans le récit intime que je vais tenter de retranscrire.

 

“ Tu me connais ? Tu sais que je suis un homme pudique avec mes relations, un peu comme toi, et je n’ai pas l’habitude de m’épancher sur les détails mais là, il faut que je te raconte car je vis un truc exceptionnel et, tu es mon meilleur ami, tu le sais. Aussi, ai-je besoin de partager un truc avec toi. ”

 

Je le regard un peu surpris car P. ne m’a jamais habitué à ce genre de déclaration. Mon ami est un homme plutôt réservé, doux et calme. Un homme qui aime être là pour les autres, qui est toujours à l’écoute, trop parfois. Et, bien que je sache qu’il a rencontré depuis 6 mois une femme qu’il nous cache, je l’ai rarement vu avec un tel enthousiasme dans la voix lorsqu’il parle d’elle. Bref, il reste un peu secret et totalement fermé sur son intimité. Un peu comme nombre d’hommes en fait.

“ Je t’écoute. Que veux-tu me dire ? ”

 

Nous sommes attablé à la terrasse d’un bar place aux huiles, au calme d’un début de soirée d’un mois d’octobre qui étire l’été indien en longueur. Les soirées sont encore plutôt chaudes et douces. Les feuilles des arbres se colorent d’ocre, de jaune, de rouge et de brun. Les gens portent plus facilement une veste par-dessus un haut encore léger qui supporte bien le soleil du jour. Un serveur est venu déposer deux verres de Vaqueyras avec une assiette de tapas maison. Il y a peu de clients à cette heure ce qui favorise les confidences en tous genres.

 

“ Je crois que je suis profondément amoureux de G. Et d’ailleurs, je veux te la présenter. Je ne pense qu’à elle du matin au soir. Elle est ma première pensée le matin et ma dernière le soir. Et même la nuit, tu m’entends, même dans mes rêves je la vois et je vis des choses avec elle. ”

“ J’en suis ravi et heureux pour toi. Après les folles que tu as connu, rencontrer une femme stable cela ne peut que te faire du bien. Quand tu dis des choses, tu penses à quoi ? ”

“ Tu as raison. J’ai vraiment accumuler des femmes bizarres, voir tordues ces deux dernières années. Lorsque je pense que les femmes s’imaginent trop souvent que nous sommes les seuls à être de vrais connards, elles oublient de citer certaines d’entre elles qui ne sont pas mal dans leur genre. Et oui, cela fait du bien d’être enfin aimé pour ce que je suis et non pour ce que l’on voudrait que je sois. C’est reposant, c’est doux et c’est d’autant plus fort. Je ne conçois pas ma vie sans elle maintenant. Bien qu’au début j’ai douté à cause de ses blessures, de ce fils de put…, cet homme qui l’a brisée. Qui a osé lever la main sur elle et la martyriser psychologiquement. J’avais des doutes. Mais, plus du tout ! Je suis sûr de moi ! ”

“ Je me souviens en effet que tu m’as parlé de cette histoire. C’est dingue le nombre de femmes qui subissent des violences. Cela me donne envie de vomir sur ces mecs immondes. Ils méritent d’être émasculés ces raclures de wc. Mais, dis-moi, qu’est-ce qui t’a fait passer d’une simple histoire à une relation amoureuse ? Comment sais-tu que tu es tombé amoureux de cette femme ? Je connais ton cœur d’artichaut et si tu peux t’éviter de chuter à nouveau, je préfère pour toi. ”

“ Si tu savais ? Je n’ai jamais connu une telle intensité sexuelle, un tel désir pour une femme. ”

“ C’est-à-dire ? Elle te fait des trucs spéciaux ? Des trucs dont personne ne parle ou ne connaît ? Elle connaît le Kamasutra sur le bout des doigts ? Sans mauvais jeu de mots ! ”

“ Que t’es con ! Mais non. Rien d'incroyable ou de surnaturel ! C’est juste très intense et je n’ai jamais connu cela. Tu ne peux pas comprendre, tu n’as pas connu ça. ”

“ Je te remercie, c’est sympa à entendre de la part d’un ami ! ”

“ C’est pas ce que je veux dire. Regarde, avec A, celle avec qui tu étais encore le mois dernier, c’était pas top ? ”

“ Ben si ! Quand même ! Pourquoi tu me dis ça ? C’était bien, très bien même. Tu crois vraiment qu’avec G c’est mieux ? ”

“ Oui, j’en suis sûr ! ”

“ Vas-y, je t’écoute ! ”

 

En disant ces mots, je me rends compte que tel un taureau,je suis rentré dans une arène pour défendre une sorte d’orgueil masculin. Mais bon, j’y suis, j’y reste comme disait cet imbécile de Mc Mahon.

“ Ok. Je vais te raconter. Mais tu gardes tout pour toi. Je n’ai pas envie que cela se répande un peu partout. D’accord ? ”

“ Oui, bien sûr ! Ça ne sortira pas du département, tu me connais.”

“ Non, je veux que tu me le promettes ! ”

“ C’est promis; je ne dirais rien à personne. ”

“ Alors je vais te raconter. ”

Il boit une gorgée de vin, s’adoucit la voix en raclant sa gorge et éclaircir ses paroles. Il jette un regard autour de lui comme pour vérifier que je suis bien le seul à l’entendre. Il se penche légèrement vers moi.

“ Voilà, je vais te raconter notre dernier ébats amoureux. Mais… silence sur tout cela ? ”

“ Je t’ai dit oui. ”

 

Samedi dernier, comme beaucoup de samedis après-midi, je suis allé chez elle. J’ai sonné en bas pour l’avertir que j’arrivais. Je suis entré dans le hall au sol froid et j’ai monté les 4 étages. Elle m’a ouvert la porte au moment même où je posais mon pied sur le palier. J’ai franchi le pas et elle m’a embrasser comme elle le fait tout le temps pour me dire bonjour et bien venu.

 

J’aime bien son appartement, les meubles blancs, les plantes vertes qui ressortent au milieu, cette ambiance calme et reposante. Elle avait mis de la musique que diffusait sa baffle mobile. Il faut d’ailleurs que je pense à lui acheter cette lampe qui lui plaît tant et qui irait à merveille dans cette décoration. Mais, je m’égare.

 

Elle portait une robe noire simple en coton et une paire de bas noir avec des motifs floraux que je lui avais achetés. Alors, je te passe les détails d’une discussion banale pour un couple qui se revoit après une semaine d’échanges par téléphone et SMS.

 

Elle m’a proposé un café et elle s’en est également fait un. Nous étions dans sa cuisine à siroter et à goûter l’amertume chaude dans nos tasses. Je regardais cette femme en face de moi à travers les volutes de la vapeur chaude qui s’échappait au-dessus ma tasse. Je me suis subitement approché d’elle pour lui glisser sa joue gauche dans ma main droite. Elle a alors fait reposer sa tête entière dans ma main, comme une offrande, comme à son habitude. J’ai approché mes lèvres des siennes pour un baiser tout en douceur, puis par petites pincées de mes lèvres sur les siennes, et par quelques à-coups de ma langue contre la sienne. Ma bouche a glissé sur sa nuque pendant que ma main droite remontait dans ses cheveux pour caresser sa tête. Je l’ai entendu alors gémir lentement, comme un soupir lointain. Son souffle est venu chatouiller mon oreille comme une demande d’aller plus loin. Ma main droite est venue glisser sur son épaule, puis sur son sein que j’ai caressé doucement. J’ai senti, sous la robe et le soutien-gorge son téton durcir. Pendant que nos lèvres se retrouvaient, ma main à continué à descendre sur sa hanche, sur sa cuisse, pour remonter dans son dos et sur des fesses. Je l’ai alors collé à moi afin qu’elle sente mon désir pour elle. Elle m’a enlacé de ses bras avec intensité et un gémissement qui sortait de sa gorge. Nos baisers sont devenus plus fiévreux, plus appuyés, plus gourmands. Parfois, ma bouche retournait à sa nuque, son cou, le lobe de son oreille que je mordillais. Elle en faisait de même. Mes mains caressaient son corps, ses seins et ses fesses, sans contrôle, uniquement dirigeaient par le désir que j’avais d’elle. Parfois, elle passaient sous cette robe que je ressentais comme de plus en plus encombrante. Elle me caressait aussi la nuque, les épaules, le dos et mes fesses. C’était enivrant. Le désir monté, brutal et intense. Ma main glissait dans sa culotte à la recherche de son plaisir et elle me déboutonnait ma chemise. J’ai fait glisser cette culotte qui devenait inutile pendant qu’elle me défaisait la ceinture de mon pantalon et les premiers boutons de mon jean. Comme à mon habitude, je ne portais rien dessous. Elle m’a saisi mon sexe pour le caresser. Mes doigts commençaient à jouer avec le sien. Je sentais sur mes doigts l’humidité de son sexe abondé de plus en plus. Mes doigts caressaient ses lèvres en douceur, puis ce petit bouton qui porte le nom que devait porter une déesse grecque. L’un de mes doigt est entré en elle, tout doucement au début, puis plus profondément. Je la sentais se raidir dans mes bras, basculer son corps légèrement en arrière. Toujours en gémissant un peu plus alors qu’un second doigt entrait en elle. Tous les deux l’ont fouillé de l’intérieur, dans un flux d’humidité toujours plus important. J’avais l’impression que de temps à autre, plus de liquide intime arrivait sur mes doigts.

 

J’ai ressorti mes doigts et je l’ai soulevé pour l’asseoir sur le plan de travail de la cuisine en la prenant par la taille. Nous nous sommes encore embrassés pendant qu’elle me caressait entre jambes. Je l’ai un peu avancé pour qu’elle se retrouve bien au bord. J’ai remonté sa robe sur ses hanches et je me suis baissé. J’ai mis ses jambes sur mes épaules qui retombaient sur mon dos et j’ai avancé ma bouche vers son sexe. Ma langue a alors léché ses lèvres, puis son clitoris. Je lui donnais des petits coups avec et parfois, je le gobais pour le sucer. Ma langue est alors entrée en elle. J’ai ressenti la chaleur de son corps. J’ai goûté son humidité à sa saveur intime exquise. Mon nez venant en même temps frotter son clitoris. Mes mains lui serraient les fesses ou les cuisses. Je l’ai entendu soupirer et gémir encore plus. Je ressentais son désir pour moi encore plus violemment. Elle m’a alors pris la tête à deux mains pour la soulever. Elle m’a regardait de ses yeux clairs et pétillants et m’a dit : “ Viens ! ”. Elle est descendu du plan de travail, m’a pris la main et m’a entraîné dans sa chambre. ”

 

Je le regarde avec des images plein la tête. Dans l’attente de la suite. Mais il ne dit rien, il me regarde et sourit, simplement.

“ Et après ? ”

“ Après quoi ? ”

“Ben, après ? Dans la chambre ? Tu ne vas pas me laisser à la porte tout de même ? ”

“ Si ! ”

Il me dit cela avec un air de satisfaction dans l’éclat de ses yeux et dans la voix.

“ Tu n’es pas un vrai ami. Tu attise un feu et tu me laisses en plan. Franchement, c’est pas sympa. Je n’aime pas ton histoire. ”

“ Après, je n’ai rien à te dire, c’est trop personnel. Cela ne regarde que G. et moi. ”

Je ressens une légère frustration bien que je comprenne. Ce n’est en fait que ma curiosité qui s’attendait à la suite.

“ Tu as raison. Je comprends, je ferai la même chose. Il est des choses qui ne se racontent pas, elles se vivent. “

 

Je me replace sur ma chaise et je me rends compte qu’il y a plus de monde autour de nous. Je découvre même que le couple à côté n’a rien perdu du récit de mon ami. Mais, qu’importe.

“ Je t’ai écouté. Je suis content pour toi que tu vives une passion amoureuse. Mais, je dois te dire que le sexe et l’amour ce n’est pas la même chose. Que tu aies un plaisir évident à t’envoyer en l’air avec cette femme, c’est bien, mais ce n’est pas de l’amour. C’est du sexe. Tu sais bien que l’amour c’est autre chose voyons ? Ne fais pas comme les autres hommes qui confondent sexe et amour. Pas toi ! Tu vaux mieux que ça ! ”

“ Je ne confonds pas, je t’assure. Je suis réellement amoureux d’elle. Je le sens au plus profond de moi. Comme une évidence. Et, je sais qu’elle partage mes sentiments. Elle me l’a dit. “

“ Oh ! Alors là, j’ai connu aussi ce genre d’affirmation. Mais, ce n’était pas de l’amour. Mais bon ! Si tu penses être amoureux et que tu es heureux, le reste n’a aucune importance. J’en suis ravi pour toi. Tu le mérites. Tu mérites un peu de sérénité dans tes relations. “

“ Oui ! J’en ai besoin. Je n’ai plus envie de me fracasser contre un mur. De me retrouver briser au sol comme cela m’est arrivé trop de fois. Et en même temps, j’ai envie de vivre cet amour. J’en ai besoin. ”

Ce mot -besoin- me fait réagir, mais je ne veux pas lui enlever la douceur de ce qu’il ressent. S’il est sûr de lui, c’est l’essentiel au fond. Alors…

“ Je te souhaite tout le bonheur du monde mon ami. J’ai hâte que tu me présentes cette merveille. »

 

Nous avons continué la soirée dans cette douce nuit automnale autour de nos verres de vin. Il a continué à me parler de G. Pour ma part, je lui parlé des quelques femmes qui s'approchent de moi de temps en temps. Et que je garde pour le moment à distance, comme pour me protéger. Même si parfois je plonge dans les délices du désir et du plaisir. Mais pas de l’amour. En fait, j’envie mon ami et les sentiments qu’il vit. J’envie aussi sa liberté de ton et de parole pour me dire des choses qui sont de son intimité. Une chose que je suis incapable de faire… comme beaucoup d’hommes d’ailleurs.

 

Erick ESPEL

27 novembre 2019

Je participais, il y a 2-3 ans à des ateliers d’écritures. Lorsque nous nous retrouvions en groupes plus ou moins grands, nous avions toujours deux étapes : la première consistait en une sorte d’échauffement, la seconde en la rédaction d’un texte plus long. Voilà la règle “générale” présentée. Un dimanche, nous étions au Mucem pour l’un de ces ateliers.

La consigne du jour était de suivre du regard des gens et de croquer des portraits. Auparavant, j’avais vu une femme d’un âge certain que je trouvais ridicule dans ses attitudes, son style vestimentaire. Hélène, celle qui organisait les ateliers, m’a piqué au vif en me disant que si je la trouvais « dérangeante » cette femme, il y avait sans doute matière à... Donc, comme un défi, j’ai croqué la personne qui m’a servi ensuite de personnage “prétexte” avec la consigne suivante : « La personne s’adresse à son/sa voisin(e) de palier ».

Voici le portrait de cette femme :

Mes grosses lunettes dorées fichées sur mon nez, je marche avec délicatesse juchée sur mes talons hauts comme si j’étais une funambule, en recherche d’équilibre. A ma taille, que je veux faire fine, j’ai attaché une veste en nouant les manches sur mon ventre (pas si) plat.

Mon tee-shirt rose fluo rehausse la blondeur peroxydée de mes cheveux. Les ongles refaits de la veille au soir sont en harmonie avec mon haut flashy. Un haut que j’aime porter car il met bien en valeur ma poitrine bien redressée et menaçante comme la proue d’un navire. Je marche main dans la main avec mon « date », riant bruyamment aux exploits de trottinettes de mon petit prince de fils adoré. En passant devant les vitres du Mucem, je réajuste ma coiffure. C’est bien d’avoir mis ce musée à cet endroit là. C’est utile en fait lorsque je me promène !

Et je demande si, tout compte fait, je ne suis pas trop vulgaire à l’image de ces cagoles pour passer dans l’émission : « Les Marseillais au Panier » ? J’ai déposé ma candidature il y a quelques jours. On me dit trop vieille ! Trop vieille ? Non mais ! Tu as vu le mec que j’ai ? Il a 15 ans de moins que moi ! C'est pas une vieille qui peut se faire un mec comme ça !

Voici la rédaction de la consigne qui avait été donnée pour la suite :

QU’EST-CE QU’ELLE ME VEUT ELLE… ?

-« Chaussette ! Descends de la table ! C’est moi qui vais manger, pas toi ! Tu as ta gamelle là-bas ! Et tes croquettes ! »

Il y a des fois, je me demande qui est propriétaire de cet appartement, moi ou le chat... ?

C’est quoi encore ça ? Qui sonne à cette heure ? Je vais à la porte voir mais là, je suis furibonde ! J’ouvre, et je vais râler contre… contre qui au fait ?

Oh pute-vierge ! La cagole de l’immeuble. Elle me veut quoi encore celle-là ? Habillée de rose fluo. Même dans le noir de la cage d’escalier je ne peux pas la rater, elle luit comme un sapin de Noël dans la tempête. Je ne peux pas la rater, même si je le veux.

C’est ça ! Bonsoir aussi ! Allez, vas-y. Elle déballe son truc, et mon repas va être froid.

Je regarde les mouvements de ses lèvres qui disent des choses, mais je m’en moque. Et puis, je ne comprends rien à ses phrases. Elle parle comme ce chanteur qu’aime mon neveu « Jull ». Elle explique mal, avec trop de mots incohérents comme s’ils n’avaient pas de rapports entre eux. Et puis, des mots que je ne connais pas. Mais bon, parfois elle nourrit ma Chaussette, je dois alors bien faire un petit effort.

Oui ! Bien sûr ! Je dis cela sans mots moi, juste en dodelinant de la tête. Tu vois, c’est facile ! Tu pourrais faire un effort tout de même ?

Quoi ? De quoi elle me parle encore ? On ne dit pas « mon dette », mais « ma dette » ! Bon elle a compris son erreur... Ah non... ! C’est moi qui n’ai pas compris… « Un date » c’est son rencard. Ok ! Il a quoi son nouveau mec ? Ben oui, il est jeune, et alors ? Elle les choisit toujours plus jeunes qu’elle. D’ailleurs, dans l’immeuble on l’appelle « La Cougar 2X36 », car c’est le numéro de notre immeuble, et qu’elle a dû avoir 52 ans, un jour. Mais quand ? Mystère. La chirurgie esthétique a du bon et fait des miracles de nos jours, il paraît. Y’à qu’à voir ses seins : arrogants, comme elle. Oui, j’suis jalouse ! Et alors ?

Je crois que j’ai tout de même perdu le fil de la conversation. Mais bon ! Ce n’est pas grave, je crois qu’elle aussi elle se perd dans ses mots.

Quoi ? Pourquoi s’inscrire dans une émission de TV quand on n’a rien à dire ? C’est quoi cette émission ? « Les Marseillais au Panier » ! Au panier ? Pour faire son marché ? Je ne comprends rien. Au secours ! Ah non ! Le Panier, le quartier ! Mais… le Panier, c’est à Marseille ! Alors pourquoi faire une émission ici sur nous ? Enfin, sur des gens comme elle en fait, vaine et inutile !

Bon ! On va y aller, hein ? Je lui fais signe de la tête par un hochement sec, avec la moue qui va bien. C’est ça…une autre fois… Mais ! Elle n’a rien compris ! Elle continue… Je referme légèrement ma porte pour qu’elle comprenne enfin. Mais non ! Elle me relance. Le QI d’une huître hémiplégique, ou d’un bulot écrasé comme dit une amie.

- « Oh ! Mon chat m’appelle ! Il faut que j’y aille. J’arrive Chaussette ! » « Vous me raconterez la suite demain, hein ? »

Elle hoche la tête d’un air entendu et déçu. Je retourne à table pour manger en tentant d’oublier cette pouf.

Mon chat est lové dans SON fauteuil rouge et sur SES coussins.

- « Chaussette, tu veux rire ? La cagole d’à côté est venue me parler. Tu savais ce que c’est un -date- ? »

Il s’en fout ce chat. Je lui parle, il dort !

Erick ESPEL

25 mai 2022

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